Les Roques, un coin de paradis

Au petit matin, nous quittons Grenade pour 48 heures de navigation, accompagnés du voilier « La Mère Veilleuse » afin de rejoindre le parc national des Roques au Vénézuela. Islands Coyote nous y attend et Mirage 3D est en route…

D’après les légendes, les radios pontons, la route et les îles Vénézueliennes sont dangereuses. Pêcheurs crapuleux, pirateries, abordages, policiers dépouillant les navires… Tout le monde dans son entourage connait quelqu’un qui connait quelqu’un qui a subi des préjudices moraux, physiques ou matériels dans ses eaux… Si magnifiques!

Il est vrai que le Vénézuela est sur une pente descendante: le bolívar subit une inflation à 2 chiffres, guérilla civile, désertification touristique… Alors qu’ils ont pétrole, raffineries, diamants et plages… Certains bateaux nous encouragent à nous y rendre, d’autres nous l’interdisent presque: « On vous aime bien mais là vous déconnez », « Pas avec trois enfants »…

Nous consultons les blogs, la presse… Nous discutons avec de vieux loups de mer, des novices puis nous consultons le site diplomatie.gouv.fr. En Analysant la carte, les Roques sont en vigilance renforcée comme une grande partie des Caraïbes. Par contre, le continent Vénézuélien et la plupart des autres îles sont déconseillés sauf pour raison impérative voir même formellement déconseillés! Ce qui signifie que notre plus grand danger est la navigation jusqu’aux Roques.Risques diplomatie.gouv.fr

Sans une petite appréhension, nous décidons de nous y rendre. « Prudence est mère de sureté »:

  • nous limitons l’usage de la VHF, réglée en « LOW » (faible portée),
  • nous naviguons feux éteints et éteignons toutes les lumières du bateau à la nuit tombée,
  • nous positionnons l’AIS en mode fantôme (nous captons les navires mais nous ne sommes plus visible), option conseillée par Yacht Service Dunkerque,
  • Sea You et La Mère Veilleuse deviennent respectivement Sierra et Mike en alphabet international 😉

A 15 milles de Grenade, nous croisons un banc de globycépales. Les plus grands mesurent 4 mètres. Ils sont majestueux et puissants… Instant magique!

Avant le couché du soleil, un tronc d’arbre frôle la coque… Oups!

Perrine de quart constate un bateau proche au radar. Nous changeons de cap et il fait de même… Changement d’amure (direction d’où vient le vent par rapport au bateau), nous guettons le bateau inconnu en le pointant par des waypoints sur notre carte… Il suit une parallèle à Sea You… Puis, il repart au bout d’une heure… Des pêcheurs curieux ou relavant leurs filets, des coast guards… Nous ne le serons jamais…

4 heures du matin, la lune disparait… Nous sommes seuls avec les étoiles… Nous perdons de vue La Mère Veilleuse distante d’un demi mille à peine.

Notre moyenne est la pire du voyage car malgré les 15 noeuds de vent annoncés, nous subissons une pétole! Pour ne pas rester trop longtemps dans ces eaux, nous avançons donc au doux ronron de notre Volvo Penta 😦

IsEcPjq1RSK0LwXBeuuSaw_thumb_f7bLes 24 heures suivantes sont du même acabit… Une légère houle, un banc de dauphins nous salue et le crin-crin du moulinet s’excite… Nous remontons une belle daurade de 80 centimètres et Robin prépare seul, comme un chef, ses premiers filets…

Durant ces deux jours de navigation, nous n’aurons eu comme seul abordage, un couple d’hirondelle qui passera la nuit sur notre tangon 😉

Gran Roque (îlot principal de l’archipel) est en vue. Islands Coyote nous contacte à la VHF puis nous négocions la passe nord. Nous constatons rapidement la légèreté et la précarité des cartes Navionics ou Garmin… Nous mettons l’ancre sur une zone verte pourtant nous n’avons pas posé Sea You!

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Les Coyotes nous invitent à prendre un café à leur bord. Pascal se propose d’emmener les hommes faire les formalités. Ils se présentent dans quatre bureaux différents: la guardia costa, la capitainerie, l’immigration et l’office du parc naturel. A titre d’information, nous avons payé pour le permis de 15 jours au parc des Roques (un voilier de 51 pieds et 5 personnes) 40$US. Par contre, si nous souhaitons prolonger notre séjour, la journée supplémentaire nous serait facturée 120$US!

EnDjYJSFS6mC%JOzISWCeQ_thumb_11bdPour payer les formalités, Manu part faire le change à la pharmacie! Un dollar US équivaut à 12 000 Bolívars. Nous échangeons 100 $US… Faites le calcul et vous verrez que nous sommes millionnaire!!! Les garçons recomptent et découvrent une petite erreur de 200 000 bolívars 😉 Le pharmacien n’est pas mathématicien ou plutôt un peu joueur… Mais avec le sourire!

En parcourant le charmant village, Manu rencontre des gens forts sympathiques. Les premières rumeurs de danger et de corruption s’envolent… Les habitants sont plus prêts à nous rendre service qu’à faire un larcin.

Les Coyotes nous reçoivent le soir même et avant 20h30 nous dormons tous!

Le lendemain, nous visitons en famille et entre amis le hameau posé sur le sable. Nous nous imprégnons de l’atmosphère des lieux. Les nombreuses pousadas (petits hôtels/gîtes de quelques chambres) donnent au village tout son charme. Elles sont décorées avec goût et simplicité.

Il n’y a pas de doute, nous ne sommes plus aux Antilles mais en Amérique latine! Ce petit bout de paradis ne semble pas partager grand-chose avec la dure réalité du Venezuela continental…

Nous effectuons quelques courses de frais. Pour les navigateurs de passage: l’approvisionnement n’a lieu que le vendredi quand le cargo daigne venir… Ici le kilo de  filet de boeuf est à 4€, la caipirinha vaut 80 centimes d’Euros et le paquet de cigarette est au même prix.

Il est temps pour nous de découvrir cet archipel, de 25 km du nord au sud et 36 km d’est en ouest, qui présente un immense lagon intérieur d’environ 400 km2 (non praticable en voilier). Ce lagon est encerclé par 42 ilots coralliens et environ 250 bancs de sable et récifs coralliens.

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0zyyIehmQbmjhETLDn+f0w_thumb_1203Première destination, Sarqui… A peine arrivés, nous plongeons dans l’eau cristalline afin de découvrir les richesses sous marines. Lors de ce snorkeling, nous avons croisé trois imposants poissons perroquets bleus de 80 cm et des anges français de 40cm! Puis les garçons partent pêcher et reviennent avec de magnifiques langoustes. Ces belles bêtes nous ont permis d’organiser un superbe barbecue sur Sea You.

La deuxième journée est suffocante et sans vent… Il fait 38° dans le cockpit! Nous dégoulinons… Même les plongeons ne nous rafraichissent plus!

La fine équipe, Swann, Noah, Marius et Robin partent seuls vivre l’aventure de Robinson Crusoe. Ils s’en vont à la découverte de cette île déserte. Les paddles et les surfs sont de la partie! Ils installent même des lignes de pêche à la traine 😉 Vous auriez du voir la tête de Robin lorsqu’un beau pagre a attrapé son leurre… Heureusement, le poisson a décidé de partir de lui-même.

En admirant le magnifique coucher de soleil et les pélicans, Marius prépare un apéritif dinatoire. Il devient le champion des toasts et y prend plaisir 😉

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Départ pour Isla Carenero, mouillage à l’est entre Cayo Remanso et Cayo Felipe. Nous arrivons vers midi et le soleil nous aide à contourner les patates. Nous découvrons à nouveau, un coin de paradis… Un sublime mélange de plage de sable blanc, de mangrove et d’eau passant du vert, bleu turquoise, bleu émeraude jusqu’à un bleu profond!

Nous profitons du lagon pour visiter les fonds et pêcher quelques bébêtes à longues antennes…

Manu suit une formation intensive de pêche grâce à Pascal pendant que Robin, Marius, Swann et Noah se proclament acteurs de « Pirates des Roques » et qu’Emile joue sur la Mère Veilleuse.

Ce soir là, une soirée s’improvise sur le catamaran de 56 pieds des Coyotes, permettant de sortir la boule à facettes et de danser jusqu’à 1h30 sous un ciel étoilé de toute beauté!

Dès 9 heures, les enfants partent sur leur îlot mais tout à coup Noah hurle et revient seul avec son surf… Bagarre entre enfants! Marius arrive avec le nez abimé après un coup de pagaie et Noah avec un mal d’oreille… Nous expliquons sur Sea You que la violence ne règle rien et qu’en collectivité il faut être tolérant, calme et réfléchi… C’est le premier incident de ce type. Mais n’y a-t-il jamais eu de bagarre en cours de récré? Cet épisode, nous l’espérons, ne sera qu’une parenthèse… Nous comprendrons un jour ce qui s’est passé!

gMJirK95REKNq9ZejhrNAA_thumb_1074Nous sommes vendredi et retournons à Gran Roque pour faire nos courses de frais. Le cargo est là et les marchandises seront d’ici quelques heures dans les rayons. Le village est en effervescence cette semaine car c’est la fête de la Vierge. Nous assistons à une procession et la musique résonne dans les ruelles. En chemin, nous n’oublions pas de nous arrêter à la carniceria (boucherie) pour le fameux filet de boeuf…

Avant de partir, nous cherchons du wifi dans les pousadas et sur la place principale. Mais partout le réseau est quasi nul… Après de multiples tentatives, nous parvenons à ouvrir facebook, messenger et notre boîte mail. Nous découvrons le stress des parents de Manu et de nos amis… L’ouragan Irma a dévasté St Barth et St Martin pendant que nous étions bien planqués aux Roques. Nous avons une pensée sincère pour les personnes que nous avons connues ou croisées lors de notre passage en mars dernier et plus particulièrement pour nos amis Sam, Laurence et leurs enfants installés à Saint Martin.

Le frigo plein, nous nous mettons en route pour le mouillage de Norosquis. Mais, suite aux effets secondaires d’Irma, la houle est formée et puissante. La passe très étroite semble compliquée et dangereuse. Nous piochons donc à l’île juste à côté, Crasqui. Ici, se retrouve la haute du Vénézuela. Yachts, trawlers et annexes sur-motorisées font partie du paysage. La longue plage de sable blanc est magnifique!

Avant de se coucher en se lavant les dents, Marius nous surprend en nous disant: « Je me couche tôt car j’ai envie de bien travailler demain ». Wahou! Allons-nous en faire des premiers de classe? Nous prenons cette phrase comme un compliment. Les garçons commencent à comprendre l’importance de l’enseignement! Travailler, choisir un métier qui leur plait et comme dit Robin gagner de l’argent pour voyager à son tour 😉

Cours Ker Lann et plongeons pour lancer la journée… Puis retour à Gran Roque pour notre clearance de sortie et un « marathon » entre les quatre bureaux 😉

La nuit tombée, nous partons tous ensemble au restaurant afin de vider nos poches des bolívars restants. L’établissement est sur la place principale qui s’anime au gré de la musique. Nous nous régalons et nous mangeons pour trois fois rien. L’addition est à 7 chiffres mais divisée par trois puis convertie en Euros, nous sommes à moins de 10€ par personne. Nous revivons pleinement l’ambiance de Sal au Cap Vert, tellement plus dépaysante que celle des Antilles.

Le lendemain matin, avant de quitter Gran Roque, nous faisons le plein de gasoil car nos réservoirs sont quasi vides, suite à la pétole des derniers jours. Ici, le gasoil est à 1$US pour 1000 litres mais il faut le pavillon vénézuélien. Nous l’achetons donc au marché noir, par un contact d’Islands Coyotte, pour 50$ les 210 litres!

Vers midi, nous décollons pour l’est des Roques car dans 24 heures, nous sommes sensés être hors de la réserve… Nous devons donc nous tenir loin des guardias costa. Petit slalom entre les patates avant de mouiller à Cayo Sardina. Avec un tirant d’eau d’1m95, nous naviguons à vue. Nous nous faufilons malgré les cartes anarchiques et leurs relevés de fond complètement aléatoires.

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A peine arrivé, tout le monde est à l’eau avec palmes, masque et tuba…

Pascal et Mimie partent pêcher. Ils reviennent avec trois monstrueuses langoustes. Ils nous en offrent une pour le dîner 🙂 Nous nous régalons en la cuisant avec un beurre d’ail et persil au barbecue et en l’accompagnant d’un gratin de christophines! Un succulent mélange de saveur…

Le jour suivant, nous continuons à descendre jusqu’au phare de Sebastopol. Nous piochons à Los Castillos et partons tous nous baigner.

La pêche est bonne: lambis, crabe et poulpe. Marius trouve son premier lambi mais il est incapable de le remonter car il est trop lourd.

Comme de bons élèves, Robin, Perrine et Manu font plusieurs descentes à 10 mètres en suivant les conseils de Pascal afin de chasser un poulpe.

En rentrant, Maxime vient enseigner à Manu l’art de vider les lambis… Un petit peu d’huile de coude est nécessaire 😉

Au couché de soleil, nous prenons l’apéro sur un micro-îlot pendant que les enfants jouent à Dartagnan.

Pour nos 3 derniers jours dans ce petit coin de paradis, nous mouillons loin des gardes côte à Cayo de Agua. Entre nos moments farnientes, nous organisons des séances de bouée tractée (vive le nouveau moteur d’annexe 18 ch, 2 temps, ça pousse…) et de snorkeling où nous croisons une champignon « atomique » 😉 Toutes les nuits, nous nous mettons sur la plage avant de sea you afin de contempler le ciel étoilé sans pollution lumineuse. Merveilleux!

Nous retiendrons de nos quinze jours aux Roques d’oser voyager dans ces contrées reculées! Seul au monde, le bateau doit être fiable et bien préparé car la SNSM ne viendra pas vous aider… Et pour conclure, n’écoutez pas les bruits de ponton! Faites votre propre analyse, sans jamais oublier que le skipper est le seul responsable de ses décisions… Alors, foncez aux Roques! Car c’est une destination unique où la population est adorable, tout comme les administrations 😉

Une petite mention spéciale pour nos amis Coyote que nous souhaitons remercier chaleureusement de nous avoir guidés dans ce véritable coin de paradis!

« Et pour Coyote hip, hip, hip et pour Coyote hip, hip, hip, et pour Coyotte hip, hip, hip, hourra! »

13 réflexions sur “Les Roques, un coin de paradis

  1. Bonjour,
    on suit votre voyage car nous avons fait le même il y a 2 ans, et nous avions adoré Los Roques ! Ensuite on s’est arrêté aux Aves puis les ABC avant de rejoindre Santa Marta où nous avons passé 6 mois ! Le bateau est au Panama pour le moment, nous le retrouvons en novembre pour nous diriger vers le Guatemala. Peut-être nos routes se croiseront-elles, notre fils a 8 ans.
    Bateau Liber

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  2. Salut les amis,
    Je viens de vous lire et je pleure d’émotion. Je revis grâce à votre récit ces sensations magiques du voyage en bateau. Et je me remémore ces moments fabuleux que nous avons partagés ensemble. Alors vu de Bruxelles,et alors que je viens de finir ma première semaine de boulot après 14 mois d’une autre vie, je vous souhaite pleins de belles découvertes, et surtout délectez vous de chaque seconde de votre voyage. On vous aime.
    Nico Wind4life

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