Si vous lisez attentivement le blog Sea You, vous vous rappelez peut-être de nous, Étienne & Irène, les piétons rencontrés à Minca.
Figurez-vous que, par les hasards du voyage, nous sommes retombés sur les 3 blondinets et leurs parents à Cartagène. Nous voilà en terrasse autour d’un verre à regarder le coucher de soleil, quand nos amis Sea You évoquent à demi l’idée de nous prendre à bord pour une expérience marine. Nous disons à regret que la suite de notre voyage est au sud, pas possible de les suivre vers le nord. Mais enfin, sitôt les avoir quittés, l’idée commence à faire son chemin et pas plus tard que 24h après, nous leur écrivons pour leur demander si l’on pourrait se joindre à eux pour un petit bout. L’aventure est trop tentante! Rapidement, ils nous répondent et nous donnent rendez-vous au Panama vers la fin décembre. Nous sommes aux anges!
Il ne reste plus qu’à y aller et même si y aller justement s’avérera être une aventure en elle-même, nous nous y rendons avec entrain. Un entrain tel qu’il faudra s’y reprendre à deux fois. La première fois, nous tentons de passer par la terre, en nous rendant jusqu’à la bordure de la jungle réputée infranchissable du Darien pour se voir dire par l’armée que le passage jusqu’à l’Atlantique est impossible ici faute de route, et que même s’il l’était, fusils et escorte seraient nécessaires. La guérilla a effectivement élu domicile dans cette jungle inhospitalière (sans compter les tigres et insectes méchants).
Deuxième essai: après un itinéraire peu conventionnel impliquant stop et 6h de lancha dans une mer agitée, nous arrivons enfin à l’Isla de Pinos, au sud de l’archipel des San Blas. Heureux d’être arrivés mais pas tout à fait sûrs d’être au bon endroit, nous nous faisons déposer sur un ponton au milieu de nulle part et nous nous mettons en quête de la famille. Les villageois nous parlent de canadiens et de deux couples mais pas d’enfants… Mais avant même d’être inquiets, nous tombons sur un type pourtant inconnu qui appelle « Irène ! ». Au détour de ce cimetière Kuna, Manu et Perrine apparaissent vite et nous présentent leurs amis Serge et Irène. Quelle coïncidence quand même, les retrouver à deux pas du village alors que les bateaux mouillent bien plus loin.
Justement, ils nous amènent au bateau que nous découvrons avec intérêt. On est ravi de revoir Émile, Marius et Robin qui nous donnent immédiatement un aperçu des lieux clefs du bateau, c’est à dire les endroits d’où il faut plonger à l’eau. On ne se fait pas prier! Les eaux sont claires (pas autant qu’au coeur de l’archipel nous dit-on mais quand même!), l’île est isolée et paradisiaque, bref la vie est belle!
Nous nous installons dans la cabine qu’Émile nous a gentiment laissé et nous nous préparons rapidement à prendre l’apéro sur le catamaran de Serge et Irène, le ton est donné! Avant d’aller se coucher, Manu nous fait écouter la douce alarme de mouillage pour nous prévenir. Il s’agirait de ne pas déraper comme la nuit précédente où Sea You s’est retrouvé à taper contre la coque d’un bateau de marchandise Colombien malgré les mètres de chaîne de sécurité. Ce n’est que le premier exemple de la série des dangers de la navigation dont les San Blas parviendront presque à nous donner une liste exhaustive.
Dès le lendemain d’ailleurs, après une navigation dans une mer très courte qu’Irène n’a pas vraiment appréciée (Perrine dira avec délicatesse qu’elle découvre les joies de la mer agitée), l’arrivée à l’île réputée très traditionnelle de Mamitupu en est un exemple parfait. Pas de cartes dignes de ce nom, des récifs non répertoriés et voilà que le mouillage tourne mal. Le catamaran Free Bird, malgré son faible tirant d’eau, pose une coque sur un récif non répertorié et qui plus est impossible à voir dans l’eau trouble. Plus de peur que de mal heureusement… Serge s’en sort avant même que nous ayons pu mettre l’annexe à l’eau. Une fois bien piochés et remis de ces émotions, nous partons explorer le village.
L’île minuscule habite 1200 âmes qui vivent en communauté familiale. Les femmes arborent le costume traditionnel, composé d’une tunique avec les fameux molas, ces broderies colorées traditionnelles. Les femmes mettent jusqu’à plusieurs mois pour les broder. Elles portent aussi de nombreux bracelets de perles aux jambes et aux bras, qu’elle revêtent à partir de leur mariage. Ici ce sont les femmes qui sont chefs de famille. Dans ce village typique et isolé, Émile rencontre un franc succès… Un peu trop même… Si bien qu’une femme du village tente de s’enfuir avec lui sur le dos. Il se remet à peine de sa frousse que les petites filles du village lui courent déjà après.
Il est temps de rentrer, non sans avoir demandé de la langouste et du poulpe aux Kunas. Noël approche et le poulpe nous est promis. Mais malgré une lueur d’espoir à chaque fois qu’une barque s’approche du bateau, il n’arrivera jamais.
Que ce soient les molas ou la nourriture, les Kunas ne semblent pas désireux de nous vendre des choses. On en viendra même à se demander s’ils ont vraiment besoin d’argent et s’ils ne se contentent pas de leur vie paisible et simple sur leur bout de paradis. Enfin, il semblerait que ça ne soit pas le cas de tout le monde puisque nous passerons un moment gênant face au cacique de l’île et à ses sbires qui nous demanderont une contribution explicitement financière. Un peu atterrés, nous ne promettons pas grand chose et achetons simplement l’huile de coco, seule production du village que l’on accepte de nous vendre.
Finalement les San Blas, c’est ce petit paradis plein de contradictions. D’un côté les Kunas y mènent une vie très simple, se nourrissant de riz et de poisson frit. Et en même temps, chaque île impose une taxe qui devient vite pesante pour les visiteurs. Tout est motif à faire payer les touristes, et tout coûte cher. C’est peut être le résultat d’un certain tourisme américain qui distribue ses dollars pour mieux coloniser l’endroit. D’ailleurs c’est à Mamitupu que depuis notre bateau nous avons observé des protestants américains en tunique blanche baptiser des Kunas sur la rive de l’île. Étonnant spectacle que ce rite perpétré par ces grands blancs sur les enfants Kunas. On a bien senti que le village avait changé d’ambiance le lendemain en nous promenant: les sourires s’étaient changés en mines fermées. On nous demandera même plusieurs fois si nous sommes américains. La veille encore ces « gentils » américains distribuaient bonbons et cadeaux à tous les enfants du village. La colonisation moderne n’est pas terminée!
La mer ne se montre pas généreuse cette fois-ci et nous nous résolvons à passer Noël sans poulpe ni langouste (imaginez un peu!). Cela ne nous empêchera pas de nous régaler pour le réveillon! Le père Noël a même réussi à trouver le bateau, probablement motivé par les tétines laissées dans une boîte par Émile à l’attention des lutins. L’ouverture des cadeaux en maillot de bain, entre l’île déserte et la jungle, on doit dire qu’on a trouvé ça pas mal!
Le quotidien au mouillage est partagé entre les cours pour Robin et Marius, les baignades, les balades, les tournages de film et la planche à voile.
Etienne prend son rôle de prof de math très au sérieux… Marius et les tables de multiplications s’en souviennent! Nous sommes aussi heureux de pouvoir cuisiner après nos deux premiers mois passés à barouder. Le curry de butternut, notre spécialité, est une réussite. On est assez impressionnés par les idées et le talent culinaire des Sea You: vie en bateau ne rime pas avec sacrifice de la gastronomie. Entre pizzas et pains maison, gâteaux, crêpes, carbonara améliorée de Robin… on se régale du matin au soir! N’oublions pas Robert, le jambon que Manu découpe chaque jour pour le bonheur de nos papilles.
Le départ de Mamitupu sera retardé d’un jour puisque le guindeau refuse de remonter les 10 derniers mètres de chaîne. Il faudra aller chercher jusque dans les schémas électriques pour connaître l’existence d’un disjoncteur thermique caché au fin fond du tableau électrique. Rien de bien grave donc, nous repartons le lendemain, avec une ancre pleine de boue, expliquant le disjonctage de la veille.
La suite sera des plus stressantes, on s’éloigne de notre trace pour éviter un récif avant de devoir faire demi tour devant le sondeur qui montre de moins en moins d’eau sous le bateau. La sortie de la zone de récif demandera toute l’attention de Manu et Perrine qui commencent à se dire épuisés par la navigation dans ces eaux non cartographiés.
Une étape rapide à Snug Harbour pour une nuit où nous fêtons l’anniversaire de Manu.
Nous nous dirigeons ensuite vers Nargana, île capitale des San Blas pour un ravitaillement complet. Eau, gazole, fruits et légumes, nous trouvons quasiment de tout, si ce n’est des dollars, qui commencent à manquer. On trouvera même des baguettes et des petits pains à la noix de coco faits dans la boulangerie de l’île. Délice!
Nous voilà donc près à partir en direction des Cayos Holandeses où nous voulons retrouver le bateau ami Coyote pour le nouvel an. Manu et Perrine hésitent à entrer dans la passe du lagon, lieu de rendez-vous. Il est déjà tard dans l’après midi et le soleil rasant ne permet pas de bien distinguer les récifs dans l’eau. On opte pour l’option sécurité d’aller mouiller près d’une autre île en attendant des nouvelles de Coyotes. C’est là que la VHF se met à grésiller au moment où Robin reconnaît le cata Coyote à l’horizon! Bingo. On est finalement rarement seuls en mer: à peine à t’on laissé Free Bird qu’on retrouve d’autres copains pour faire l’apéro!
Départ pour le-dit lagon le lendemain matin. Bizarrement Robin et Marius sont super sérieux dans leurs devoirs ce matin là. Peut-être est-ce la condition de finir leurs cours avant d’aller jouer avec Swann leur grand copain? Etienne et moi en profitons pour aller voir le fond du récif d’en face. Nous sommes émerveillés par les couleurs et les formes des poissons. Peut-on jamais s’habituer à une tel spectacle du monde marin?
La navigation jusqu’au lagon sous le soleil est plus détendue. Coyote a des cartes qui tiennent la route et ouvre la voie. Nous passons quand même à 2 ou 3 mètres du fond, tout juste pour que le Sea You et sa quille entrent sans problème dans les eaux claires et turquoises de ce lagon.
Nous partons ensuite observer les langoustes et autres beautés dans les récifs proches. Il semble qu’il y ait de quoi faire pour le chasseur professionnel qu’est Pascal. On y retournera plus tard. Il est déjà temps de préparer le menu du nouvel an. Au programme, gâteau à l’ananas de Mimi, far breton de Perrine, canapés, et surtout cet énorme gigot d’agneau soigneusement gardé par Pascal et Mimi. Incroyable! C’est clair que peu de bateaux ont du se régaler autant que nous pour le 31. C’est une mission pour nous qui cuisinons le gigot avec un ingrédient secret de notre cru.
17h pétante, nous sommes tous sur notre 31 (c’est le cas de le dire) maillot de bain de gala et tout! Pascal et Mimi ont sorti la boule à facette et leurs meilleures playlists. On s’assoie et commence le festin avec des maki à la langouste, réalisés par Pascal. Wow, ça restera un sacré souvenir pour nous!
Le rhum et la bière coulent à flot. Plat après plat, on réalise la chance qu’on a de vivre ces moments magiques au milieu de gens aussi accueillants et passionnants, à écouter les récits de leurs aventures incroyables autour du monde. Peut être qu’un jour ce sera nous? En tous cas, leçon de générosité reçue. Merci!
Le plus fou dans tout ça, c’est peut être cette énergie dont font preuve nos compagnons de route. C’est vrai qu’il en faut pour entreprendre leur voyage, mais on pensait pas qu’ils en auraient autant sur le dance floor aussi! Bain de minuit obligatoire, on en oublie presque de se demander nos bonnes résolutions. On y réfléchira plus tard, pour le moment on profite de cette nouvelle année qui commence dans la mer Caraïbes.
Eh voilà. L’heure du départ a sonné.
On réussi à faire nos sacs dans le bateau qui tangue (ou est-ce nous qui tanguons ?), un bisous à Robin, Marius, Émile et Perrine, et nous embarquons dans l’annexe avec Manu qui nous dépose sur Free Bird à quelques miles de là. Serge et Irène retournent à Carti et ont accepté deux passagers clandestins pour le voyage. C’est royal pour nous!
Petit pincement au cœur en voyant Manu repartir, et en entendant les enfants discuter à la VHF. C’était sacrément bien ces 10 jours sur Sea You. Mais on sait bien que ce n’est qu’un au revoir. On se retrouve très bientôt de l’autre côté de l’Atlantique, à Londres ou en Bretagne. En tous cas un grand MERCI! Et bon vent…
Super l’article
SeaYou a dû prendre bien plaisir avec Irène et Etienne
Bon périple et bonnes marches à tous les deux 👍
Le papi des SeaYou
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Wahou ça fait bien rêver, merci à l’équipage du Sea You d’avoir si bien prit soin de notre soeurette et du Tiennou. Quelles aventures ! Bon vent 🙂
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Salut les SeaYou …
Un gros bisou des (ex)Zanzibar … Il était temps …
Continuez à nous faire rêver, nous on est sous la neige.
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